Face à l’accélération des événements climatiques extrêmes ouragans, inondations et sécheresses, les entreprises ne peuvent plus se contenter de stratégies de décarbonation. L’adaptation devient un impératif stratégique pour assurer leur pérennité et leur compétitivité. C’est l’alerte lancée par le rapport « Adaptation & Résilience des entreprises au changement climatique » publié en mars 2025 par BCG et Quantis. Basé sur les témoignages de 30 dirigeants de grandes entreprises françaises, ce rapport propose une feuille de route concrète pour intégrer l’adaptation au cœur des modèles d’affaires.
L’adaptation climatique : un impératif stratégique
Le changement climatique n’est plus une menace lointaine. Il impacte déjà les entreprises à travers des perturbations majeures : dommages aux infrastructures, ruptures d’approvisionnement, hausse des coûts d’assurance, évolutions réglementaires. Selon le rapport, dans un scénario à +2 °C d’ici 2050, certains secteurs pourraient voir jusqu’à 25 % de leur EBITDA menacé par les impacts physiques du climat.
Malgré cette réalité, l’adaptation reste encore marginale dans les stratégies d’entreprise. Si le nombre d’entreprises mesurant leurs risques climatiques a quadruplé entre 2020 et 2023, moins de 20 % évaluent ces risques sur l’ensemble de leur chaîne de valeur. Et près de 75 % investissent moins de 0,1 % de leurs revenus dans des actions d’adaptation.
Evaluer les risques
La première étape vers une stratégie d’adaptation efficace est la prise de conscience des risques. Il s’agit d’identifier et de quantifier les menaces climatiques spécifiques à l’entreprise : vulnérabilité des sites de production, exposition des fournisseurs, dépendance à des ressources sensibles.
Cette évaluation doit être systémique, couvrant l’ensemble de la chaîne de valeur. Par exemple, une entreprise agroalimentaire doit anticiper les impacts du changement climatique sur ses cultures, ses fournisseurs, ses infrastructures de stockage et de transport.
Mais cette conscience ne doit pas se limiter aux risques. Le changement climatique crée aussi de nouvelles opportunités : développement de produits résilients, services d’adaptation pour les clients, innovation dans les modèles économiques. Les entreprises qui sauront transformer ces défis en leviers de croissance auront un avantage compétitif.
Mettre en mouvement l’organisation
Une fois les risques identifiés, l’entreprise doit intégrer l’adaptation dans son modèle opérationnel. Cela implique des actions concrètes :
- Renforcement des infrastructures : mise à niveau des sites pour résister aux événements extrêmes.
- Diversification des sources d’approvisionnement : réduction de la dépendance à des fournisseurs ou régions vulnérables.
- Révision des politiques d’assurance : ajustement des couvertures pour refléter les nouveaux risques.
- Formation des équipes : sensibilisation et montée en compétences sur les enjeux climatiques.
L’adaptation doit également être intégrée dans les processus de décision stratégique. Cela signifie inclure le coût de l’inaction dans les analyses de rentabilité, développer des scénarios climatiques pour orienter les investissements, et instaurer une gouvernance dédiée à la résilience.
Mobiliser l’écosystème
L’adaptation ne peut être une démarche isolée. Elle nécessite une collaboration étroite avec l’ensemble de l’écosystème : fournisseurs, clients, collectivités locales, acteurs financiers.
Par exemple, une entreprise peut travailler avec ses fournisseurs pour améliorer leur résilience, partager des données climatiques avec ses partenaires, ou co-développer des solutions d’adaptation avec des start-ups innovantes.
Les acteurs financiers ont également un rôle clé. En intégrant les risques climatiques dans leurs analyses, ils peuvent orienter les flux de capitaux vers des entreprises résilientes. De même, les assureurs peuvent inciter à l’adaptation en ajustant leurs primes en fonction des mesures prises par les entreprises.
Éviter la maladaptation
Toutes les actions d’adaptation ne sont pas bénéfiques. Certaines peuvent avoir des effets pervers, en augmentant la vulnérabilité à long terme ou en créant de nouvelles inégalités. C’est ce qu’on appelle la maladaptation.
Par exemple, construire des digues pour protéger un site industriel peut déplacer le risque vers d’autres zones, ou encourager une urbanisation dans des zones à risque. De même, des solutions technologiques coûteuses peuvent exclure les petites entreprises ou les communautés vulnérables.
Pour éviter ces écueils, l’adaptation doit être pensée de manière systémique, en intégrant les dimensions sociales, économiques et environnementales. Elle doit également être flexible, pour s’ajuster aux évolutions du climat et des connaissances scientifiques.
Une opportunité pour les entreprises pionnières
Loin d’être une contrainte, l’adaptation peut devenir un levier de différenciation pour les entreprises qui s’en emparent tôt. En anticipant les risques, elles peuvent réduire leurs coûts, sécuriser leurs approvisionnements, renforcer leur image de marque et accéder à de nouveaux marchés.
Par exemple, une entreprise qui développe des produits adaptés aux conditions climatiques futures peut répondre aux besoins émergents de ses clients. De même, une entreprise qui accompagne ses fournisseurs dans leur transition peut renforcer la résilience de sa chaîne de valeur.
L’adaptation peut également générer des co-bénéfices en matière de décarbonation. Par exemple, améliorer l’efficacité énergétique d’un site pour le rendre plus résilient peut aussi réduire ses émissions de gaz à effet de serre.
Vers une stratégie d’adaptation intégrée
Pour intégrer l’adaptation dans leur stratégie, les entreprises peuvent suivre une démarche en plusieurs étapes :
- Évaluation des risques climatiques : analyse des vulnérabilités internes et externes.
- Identification des opportunités : détection des leviers de création de valeur liés à l’adaptation.
- Définition d’une feuille de route : priorisation des actions à court, moyen et long terme.
- Mobilisation des parties prenantes : implication des équipes internes et des partenaires externes.
- Suivi et ajustement : mise en place d’indicateurs de performance et révision régulière de la stratégie.
Cette démarche nécessite un engagement fort de la direction, une allocation de ressources adéquate, et une culture d’entreprise orientée vers l’innovation et la résilience.
Face à l’urgence climatique, constater les risques ne suffit plus : il faut agir. C’est pourquoi, en collaboration avec BCG, nous avons lancé un Do Tank pour encourager l’émergence de solutions et d’actions en faveur de nouveaux modèles et d’une transformation structurelle des comportements. En réunissant des acteurs clés autour de problématiques partagées, nous visons à créer un espace propice à l’intelligence collective et à l’action. Notre ambition est claire : construire ensemble des modèles résilients et durables, capables de relever les défis de demain.