Dans un monde qui prend désormais conscience de ses propres limites, les entreprises ont aujourd’hui l’opportunité de repenser leurs modèles économiques. Si les anciennes règles perdurent, de nouveaux modèles d’affaires, plus connectés avec leurs environnements, plus durables, plus vertueux, plus résilients peuvent aussi s’avérer plus aptes à créer de la valeur durable. L’ère du « no alternative » est désormais derrière nous. La preuve en cinq chiffres pour mieux comprendre pourquoi il est important de changer les modèles. 

80% de l’énergie primaire consommée dans le monde est toujours d’origine fossile

Malgré les efforts réalisés en matière d’énergies renouvelables, l’économie mondiale apparait toujours fortement dépendante des énergies fossiles dont découle un principe d’économie fondé sur l’exploitation des ressources naturelles et la production de déchets. Un modèle « extractif » qui repose toujours sur l’illusion d’une matière première inépuisable. Mais surtout un modèle qui montre ses limites évidentes face aux effondrements des écosystèmes, aux incertitudes d’approvisionnement, aux coûts des matières premières et, désormais, celui du recyclage des déchets qui s’accumulent. Autant de dépendances qui peuvent se transformer en vulnérabilités et militent pour un modèle économique circulaire, voire régénératif, qui limite les impacts de l’activité sur ses environnements et réduise sa dépendance aux ressources, notamment celles liées aux énergies non renouvelables. Changer de modèle se révèle, pour l’entreprise, une question urgente de souveraineté et d’indépendance. 

1/3 des dirigeants d’entreprises estiment que les investissements en faveur du climat réalisés depuis cinq ans ont contribué à l’augmentation de leur chiffre d’affaires

Plus largement, plusieurs études révèlent la performance des investissements orientés vers les solutions climatiques dans l’entreprise. S’il reste encore de nombreux freins à lever, notamment en matière de règlementation, les actions menées en faveur du climat n’apparaissent désormais plus comme des contraintes, mais bien comme des opportunités économiques dont il faut se saisir pour créer de la valeur pour l’entreprise, au même titre que d’autres domaines de transformation que sont la technologie ou l’intelligence artificielle. Se transformer pour un modèle qui prenne en considération l’environnement et le réchauffement climatique dans ses investissements apparait par conséquent comme un facteur de performance et de compétitivité pour l’avenir. Ceci d’autant plus que 42 % des dirigeants d’entreprises pensent, selon la même étude, que leur organisation pourrait disparaître si leur modèle d’affaires n’évoluait pas d’ici une dizaine d’année.

50% du PIB mondial dépend de la nature

Un chiffre qui rappelle combien considérer l’économie déconnectée de toute considération pour le vivant est une erreur de calcul majeur dont nous avons pourtant beaucoup de mal à sortir. L’entreprise a besoin, pour produire des biens et services, d’exploiter directement ou indirectement la nature, que ce soit de l’eau, des végétaux, des matières premières ou des sols. Un « capital naturel » dont le coût réel de préservation ou de régénération n’est pourtant jamais intégré aux modes de calcul comptables, qui le considère tout au plus comme une « externalité ». Pour autant, l’épuisement des ressources naturelles fait aujourd’hui peser sur l’entreprise des coûts opérationnels bien réels. Le programme environnemental de l’ONU estime les coûts non comptabilisés liés aux impacts négatifs sur la biodiversité, l’eau, la santé et le changement climatique dans une fourchette allant de 10 à 25 000 milliards de dollars par an. « There is no business to be done on a dead planet » écrivait l’écologiste américain David Brower. Dégrader la nature revient à dégrader l’économie. Les indicateurs traditionnels sur lesquels se fondent les entreprises apparaissent donc non seulement erronés, mais aussi susceptibles de les conduire à leur propre disparition. Changer pour un modèle qui prenne en compte la nature dans les calculs économiques est donc une question de réalisme pour les entreprises dont la bonne santé dépend, pour beaucoup, de la qualité des écosystèmes dans lesquels elles évoluent. Initier des transitions prenant en compte la nature dans ses calculs économiques, comme cherche à le faire la taxonomie verte européenne, peut représenter des opportunités estimées à 10 100 milliards de dollars d’ici 2030 rappelle le Forum économique mondial

Moins de 20% des entreprises ont initié une démarche d’évaluation des risques physiques auxquels elles sont exposées en raison du réchauffement climatique

Un chiffre qui montre bien que le risque climatique est encore sous-évalué. Les événements extrêmes, comme les tempêtes, les inondations et les sécheresses, font peser sur l’entreprise des menaces réelles et documentées pour l’intégrité de leurs infrastructures, mais aussi leurs chaînes d’approvisionnement. Avec des impacts économiques conséquents en prévision. Dans un scénario de réchauffement à 2°C désormais considéré comme très optimiste, la perte de bénéfice due aux catastrophes climatiques pourrait atteindre 25% si rien n’est fait pour s’y préparer. Changer pour un modèle cherchant à s’adapter aux risques climatiques apparait donc un enjeu crucial de rentabilité pour l’entreprise. Pourtant, malgré ces prévisions, elle semble toujours figée dans un ancien modèle de pensée et une vision court-termiste. La grande part des financements climatiques se concentre aujourd’hui sur l’anticipation des risques sans chercher à faire évoluer les modèles de manière plus structurelle. En 2022, seuls 5 % des flux de financement climatique étaient destinés à l’adaptation des entreprises dont la quasi-totalité était à l’initiative du secteur public. 

7 000 milliards de dollars, le volume annuel des financements néfastes pour l’environnement

Un chiffre qui recouvre les financements privés, les avantages fiscaux et les subventions qui contribuent à alimenter les activités économiques aggravant le changement climatique, la perte de biodiversité et la dégradation des écosystèmes. Un volume à mettre en regard des tous petits 200 millions de dollars destinés à financer les solutions bénéfiques pour la nature. Rediriger ne serait-ce que 7,7 % des flux financiers néfastes suffiraient pourtant à combler le retard actuel et apporter des bénéfices majeurs et matière de biodiversité, de climat et de bien-être des individus. Ces chiffres démontrent à quel point le financement de l’économie repose sur un « logiciel erroné » qui tend à valoriser la destruction de la nature et par conséquent subventionner sa propre fin. Mais les temps changent et les performances des solutions à impact commencent à attirer l’attention des investisseurs. Un changement d’attitude qui révèle une prise de conscience que les modèles régénératifs et à faibles impacts environnementaux sont des modèles rentables aptes à pérenniser l’activité des entreprises et l’économie en général. Le cap est clair, mais l’effort reste colossal : Nature4Climate estime à plus 500 milliards de dollars par an les financements nécessaires d’ici 2050 pour limiter le changement climatique et la perte de biodiversité. 

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