Dans un contexte d’urgence écologique, deux crises majeures s’entrelacent : le changement climatique et l’effondrement de la biodiversité. Longtemps traitées séparément, elles trouvent pourtant leur origine dans les mêmes déséquilibres profonds. Face à ce constat, une approche intégrée s’impose — et la technologie pourrait bien en être un levier. C’est tout l’enjeu de la NatureTech, une nouvelle frontière qui réconcilie innovation technologique et régénération du vivant.
Fruit d’une étude coproduite par 2050NOW La Maison et BNP Paribas, ce dossier explore le potentiel de la NatureTech : ses définitions, ses usages, ses limites, mais aussi les conditions pour en faire une réponse crédible à l’échelle de la planète. Retrouvez l’intégralité de l’étude en bas de cette page.
NatureTech : définition et origine
Une technologie pensée pour et avec la nature
La NatureTech désigne l’ensemble des technologies développées pour protéger, restaurer et gérer durablement les écosystèmes naturels. Contrairement à la Greentech, historiquement centrée sur l’énergie, la NatureTech place la biodiversité au cœur de sa démarche.
Elle regroupe à la fois :
- Des technologies dures (drones, capteurs IoT, intelligence artificielle, imagerie satellite, bio-ingénierie),
- Et des approches bio-inspirées, comme le biomimétisme, qui s’inspirent du vivant pour développer des innovations plus résilientes.
Cette technologie ne se veut pas substitutive de la nature, mais complémentaire, alignée avec les logiques écosystémiques et attentive aux équilibres du vivant.
Climat et biodiversité : deux crises, un même combat
La NatureTech s’inscrit dans un contexte où climat et biodiversité ne peuvent plus être traités comme des enjeux distincts. Ils s’alimentent mutuellement : la perte de biodiversité affaiblit la régulation naturelle du climat, tandis que le réchauffement climatique fragilise les écosystèmes.
Les publications récentes du GIEC et de l’IPBES insistent sur cette interdépendance. D’ailleurs, 70 % du PIB mondial dépend directement ou indirectement des services écosystémiques (alimentation, eau, régulation du climat, santé des sols…).
Le rapport Planète Vivante 2022 alerte sur une chute de 69 % en moyenne des populations vertébrées sauvages depuis 1970. Ce constat impose une réponse systémique.
Technologies clés de la NatureTech
Les outils de la NatureTech permettent d’agir concrètement à différents niveaux :
- Drones et robotique autonome : reforestation à grande échelle, cartographie d’écosystèmes, surveillance de la faune, plantation sous-marine de coraux.
- Capteurs IoT : suivi en temps réel de la qualité de l’air, de l’eau, ou de la santé des sols.
- IA et machine learning : modélisation des menaces, détection automatisée des espèces, suivi de la biodiversité par l’analyse d’image.
- Bio-ingénierie : restauration génétique de certaines espèces, développement de plantes résistantes à la sécheresse.
- Observation satellitaire : détection de la déforestation, analyse de la couverture végétale.
- Systèmes de gestion environnementale : plateformes de monitoring et de pilotage de projets biodiversité, outils de reporting automatisé (MRV).
Ces technologies permettent une intervention rapide, précise et mesurable, tout en améliorant le pilotage des politiques environnementales.
Des cas d’usage inspirants
La NatureTech ne se limite pas à la théorie. Elle s’incarne déjà dans de nombreux cas d’usage concrets, portés par des innovations technologiques à impact réel. Voici quelques exemples emblématiques. L’étude complète en recense de nombreux autres.
- Reforestation automatisée : des drones capables de planter jusqu’à 180 graines par minute dans des zones inaccessibles, contribuant à la restauration des écosystèmes, à la préservation des sols et à la séquestration du carbone (Morfo, Dendra Systems, DroneSeed).
- Protection de la faune marine : robots sous-marins qui restaurent les récifs coralliens ou détectent les pollutions plastiques, pour une préservation active de la biodiversité marine (PlanBlue, Coral Restoration Foundation, The Ocean Cleanup).
- Agriculture régénératrice : robots solaires qui optimisent les semis, réduisent les intrants chimiques et améliorent la fertilité des sols dans une logique de production durable (Mineral by Alphabet, Ecorobotix, Naïo Technologies).
- Suivi d’espèces menacées : colliers GPS, drones et IA pour surveiller les déplacements des espèces en danger et lutter contre le braconnage, au service de la préservation de la biodiversité terrestre (Wildlife Drones, EarthRanger, Resolve’s TrailGuard AI).
- Lutte contre le réchauffement climatique : technologies permettant de capter le CO₂ (reforestation, culture d’algues, monitoring carbone), contribuant à la régulation du climat (Blue Ocean Barns, Running Tide, Pachama).
Ces usages montrent comment la technologie peut être mise au service du vivant, dans une logique de restauration plutôt que d’exploitation.
Financer l’innovation NatureTech
Pour que la NatureTech passe à l’échelle, il est essentiel de mobiliser des capitaux adaptés, capables d’accompagner son développement sur le long terme.
Les signaux de croissance sont positifs :
- En 2023, les investissements mondiaux dans la NatureTech ont atteint 878 millions de dollars. Le marché pourrait dépasser 10,5 milliards d’euros d’ici 2026 (BCG analysis).
- À fin 2024, BNP Paribas a investi 5,4 milliards d’euros dans des entreprises contribuant à protéger la biodiversité terrestre et marine.
- 70 % des financements sur la période 2018–2022 ont été orientés vers l’agriculture durable et l’alimentation régénérative (Trends Levif, 2022).
- En France, les greentech ont généré 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2021, illustrant la viabilité économique du secteur.
Pour accélérer, plusieurs leviers doivent être activés :
- Déployer des outils comme la finance à impact, les crédits biodiversité ou la finance blended pour structurer des modèles économiquement viables.
- Réorienter les flux financiers encore majoritairement alloués à des activités extractives vers des solutions régénératives.
- Limiter les pertes économiques induites par la destruction du vivant, estimées entre 10 000 et 25 000 milliards de dollars par an à l’échelle mondiale (IPBES, 2024).
Financer la NatureTech, c’est investir dans des solutions qui conjuguent impact écologique, rentabilité économique et résilience collective.
Limites, risques et conditions de réussite
La technologie n’est pas une baguette magique. L’étude alerte sur plusieurs dérives à éviter :
- Le technosolutionnisme : croire que la tech résoudra tout, sans remettre en question nos modes de vie.
- Les effets rebond : certaines technologies consomment elles-mêmes des ressources rares (énergie, métaux).
- Une vision hors-sol : négliger les savoirs traditionnels et les approches low-tech pourtant très efficaces.
Pour être efficace, la NatureTech doit être :
- pensée “nature by design”, c’est-à-dire alignée dès sa conception avec les cycles du vivant ;
- intégrée à une vision systémique incluant les dimensions sociales, économiques et politiques ;
- accompagnée d’une mobilisation collective des acteurs publics et privés.
La NatureTech ne doit pas être une énième promesse technologique, mais une alliance nouvelle entre l’innovation et le vivant. Elle nous invite à passer d’une technologie qui extrait à une technologie qui régénère.
Comme le souligne Anne Pointet, Head of Company Engagement de BNP Paribas :
« Pour cesser la dégradation des écosystèmes et les restaurer, tout le monde doit s’asseoir autour d’une même table avec pour ambition de trouver des pistes concrètes, telles que celles dessinées par la NatureTech. Comme le démontrent ces témoignages, la technologie peut aider à renverser la tendance dès lors qu’elle est éco-conçue et mise au service de la nature. »
Chez 2050NOW La Maison, nous croyons que l’avenir se joue dans cette capacité à conjuguer science, conscience et coévolution. À nous de faire de la NatureTech non pas une fin, mais un moyen de contribuer à la conception de nouveaux modèles.
Téléchargez l’étude complète via le lien ci-dessous.