Avec deux approches innovantes, Accenta, spécialiste de la géothermie et de l’optimisation énergétique, et Vasco, inventeur du « capital immobilier partagé », dessinent des modèles où performance énergétique, inclusion sociale et rentabilité sont conjuguées. Sélectionnées parmi les 76 solutions du Do Tank Construction Durable créé par 2050NOW La Maison et BCG, les deux entreprises entendent accélérer leur développement grâce à cette coalition d’acteurs publics et privés tournés vers l’action. 

Un secteur clé de la décarbonation 

En France, le bâtiment représente 43 % de la consommation d’énergie et près d’un quart des émissions de gaz à effet de serre (source : ministère de la Transition écologique). Rénover et construire autrement est donc une priorité. Un chemin nécessaire. Derrières les objectifs de réduction des émissions, de sobriété, une question persiste : comment financer cette transition ? 

Deux jeunes sociétés proposent des réponses inédites

Accenta, créée en 2016 et incubée à l’École Polytechnique en partenariat avec le BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières), mise sur la géothermie – la captation de chaleur issue du sous-sol – et l’intelligence artificielle pour réduire la consommation et les émissions des bâtiments, en intégrant les économies générées dans son modèle économique.  

Vasco, fondée en 2023 par trois entrepreneurs venus de l’énergie et de la finance, a choisi une autre voie : investir directement dans le logement des ménages, plutôt que de leur prêter de l’argent, pour financer les rénovations énergétiques. 

Deux approches différentes, mais une même ambition : rendre la transition énergétique des bâtiments économiquement viable et socialement inclusive. 

Accenta : produire mieux, consommer moins 

« Accenta a été créée dans le but de réduire les émissions de carbone. Nous nous sommes arrêtés sur le secteur du bâtiment, qui est l’un des principaux émetteurs, et avons découvert qu’il y avait une vraie opportunité grâce à la géothermie », explique Davide Lascar, dirigeant d’Accenta dont le siège est à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). 

La société a travaillé avec le BRGM pour améliorer les performances de la géothermie, en intégrant de l’intelligence artificielle et une hybridation des sources d’énergie. Son offre : une plateforme offrant une vision en temps réel de la consommation d’énergie, une régulation des systèmes énergétiques grâce à l’IA et un système de chauffage et climatisation reposant sur le géostockage. « Quand nous avons trouvé le bon équilibre et prouvé que c’était économiquement viable, nous avons commencé la commercialisation. » 

Aujourd’hui, l’activité d’Accenta se répartit à parts égales entre les bâtiments existants et les bâtiments neufs, ces derniers étant soumis aux exigences de la RE2020 (Réglementation environnementale 2020). « Nous respectons déjà les seuils des indicateurs carbone prévus pour 2028 et projetés pour 2030 », précise Davide Lascar. 

Le modèle repose sur les économies générées. « Nous garantissons un COP (Coefficient de performance) : pour 1 kW d’électricité consommé, combien de kW d’énergie produit-on ? Si je m’engage sur un COP de 3, cela signifie qu’avec 1 kW consommé, j’en produis 3. Si le résultat tombe à 2,80, je prends à ma charge le surcoût d’électricité. » 

Les temps de retour sur investissement (ROI) sont relativement courts : 1 à 3 ans pour l’optimisation de la consommation d’énergie (le pilotage par des algorythmes prédictifs), 4 à 12 ans pour la production de chaud et de froid, en optant pour la géothermie. Il s’agit, pour les propriétaires d’économies sur leurs factures de de chauffage, d’électricité. « Mais ce n’est pas seulement une question de ROI. Un bâtiment qui fonctionne au gaz sera bientôt invendable. Nos solutions s’évaluent en coût global, en intégrant valorisation et maintenance. » 

Vasco : investir plutôt que prêter 

Le constat de départ est simple : une grande partie des ménages est exclue du crédit bancaire. « Le frein principal, c’est que les banques raisonnent uniquement selon deux critères : les revenus et l’endettement. Elles ne tiennent pas compte de la valeur future du bien après travaux, ni des économies d’énergie générées », souligne Hervé Degreve, cofondateur de Vasco, désormais ancrée à Bordeaux. 

Avec ses associés, il a donc imaginé un autre modèle : « Ne pas prêter, mais investir directement chez les particuliers, en mobilisant une partie de la valeur de leur bien pour financer sa rénovation. » 

Concrètement, tout passe par un acte notarié. « Prenons un exemple : vous avez 60 000 € de travaux, dont 30 000 € couverts par des aides. Il reste donc 30 000 € à financer. Votre maison vaut 300 000 €. Nous n’allons pas vous prêter ces 30 000 €, mais acheter une part de votre maison chez le notaire. En moyenne, quand nous investissons 10 %, nous détenons environ 15 % en indivision. C’est ainsi que sont financés l’opération, nos frais et la rémunération des investisseurs. » 

Le contrat repose sur une convention d’indivision de dix ans. Le propriétaire conserve intégralement son droit d’usage et d’habitation. « La sortie peut se faire de trois manières : vente du bien, rachat par le propriétaire à la valeur actualisée, ou prolongation pour dix ans. C’est un modèle inclusif : nous ne regardons pas les fiches de paie, mais la valeur du bien et la pertinence des travaux. » 

Pour Hervé Degreve, la pédagogie est essentielle : « Nous expliquons clairement les avantages et les limites. Et nous montrons que céder 15 % d’un bien rénové reste plus intéressant que conserver 100 % d’une passoire invendable. » 

Des approches complémentaires 

Différentes par nature, ces deux solutions ne s’opposent pas. Elles peuvent même se compléter : Accenta s’adresse plutôt aux grands propriétaires, bailleurs ou collectivités, quand Vasco cible les ménages exclus du crédit. Elles s’avèrent aussi complémentaires des solutions existantes : 

« Quand une banque peut financer, c’est préférable. Mais lorsqu’elle refuse, nous offrons une alternative, certes plus coûteuse qu’un prêt, mais bien moins que de ne rien entreprendre ou de mal rénover », appuie Hervé Degreve. 

Même logique d’ouverture chez Davide Lascar : « Notre modèle est compatible avec d’autres solutions, notamment le photovoltaïque. Nous travaillons avec des architectes, des promoteurs et des entreprises pour intégrer ces équilibres dès la conception des bâtiments. » 

Quel rôle pour les pouvoirs publics ? 

Pour les deux dirigeants, la question du soutien public de la filière reste centrale, via des aides aux propriétaires individuels, bailleurs et collectivités. « L’État doit subventionner temporairement la rénovation énergétique pour accompagner la transition, pas pour créer artificiellement un marché. Trois à cinq ans de soutien suffisent, ensuite le marché doit s’autonomiser », estime Davide Lascar. 

Hervé Degreve acquiesce : « Les pouvoirs publics doivent continuer à inciter et à éduquer. Les subventions restent nécessaires aujourd’hui, mais l’essentiel est de structurer l’écosystème : guichets locaux, accompagnateurs en rénovation, information claire. On avait pris la bonne direction depuis deux ans, c’est dommage que le budget ait été réduit. » 

Au-delà de l’action de l’État, l’Europe impose un cadre nécessaire : taxe carbone, taxonomie européenne…  « Des leviers essentiels », selon Davide Lascar, pour accélérer la mutation.  

2030, 2050 : quel futur pour le financement ? 

Les deux entrepreneurs projettent leurs modèles dans l’avenir. Pour Davide Lascar, « les modèles de paiement étalé vont se généraliser. Certaines banques commencent déjà à proposer des crédits minorés quand la performance énergétique est au rendez-vous. C’est une tendance qui devrait s’amplifier d’ici 2030. » 

Pour Hervé Degreve, la « vraie révolution » doit venir du monde bancaire : « Qu’il intègre dans ses modèles la valeur verte et les économies d’énergie. Et que l’on sorte de la logique du tout ou rien pour proposer une réelle diversité de financements. La révolution, ce sera le jour où chaque ménage, quel que soit son profil, pourra trouver une solution adaptée pour rénover. » 

Vers une transition progressive 

Ni Accenta ni Vasco ne croient à une révolution soudaine. « Je préfère parler de transition progressive. D’abord un groupe de précurseurs, qui entraînent à leur suite l’ensemble de la profession immobilière », affirme Davide Lascar qui décrit un mouvement déjà en marche, porté par de multiples acteurs : « Nous défendons tous la même cause : la décarbonation. Je suis heureux quand mes confrères réussissent, car nous travaillons ensemble pour la même finalité. » 

Construire un avenir durable 

Accenta, qui fêtera ses dix ans en 2026 et compte 170 salariés, mise sur la technologie et l’optimisation énergétique. Vasco qui vise la rentabilité en 2026 et emploie dix personnes, sur l’inclusion financière et le capital des ménages.  

L’un incarne une approche high-tech, l’autre une logique plus proche du low-tech financier. Mais tous deux apportent la preuve qu’il existe des voies alternatives pour financer la transition énergétique. Et qu’il est possible de conjuguer rentabilité et durabilité. 

Hervé Degreve en est convaincu : « On se lève le matin avec l’idée d’aider des familles à vivre dans des logements plus confortables, moins coûteux à chauffer et meilleurs pour la planète. On ne gagne pas toujours beaucoup, mais on a le sentiment d’être utiles. Et cela, c’est très gratifiant. » 

Do Tank Construction Durable : les vertus d’une coalition d’action 

 Retenue parmi les 76 solutions sélectionnées dans le cadre du Do Tank Construction Durable de 2050NOW La Maison et BCG, les deux entreprises y voient bien plus qu’une reconnaissance. 

Pour Davide Lascar, chez Accenta, « c’est l’opportunité d’intégrer une communauté de leaders de l’écosystème immobilier. Des entreprises prêtes à innover et à tenter parce qu’elles savent qu’il est essentiel d’avoir un temps d’avance. » Le tout, au sein d’un Do Tank et non d’un Think Tank, ce que le dirigeant juge « essentiel » pour « passer à l’action. » Au-delà des débouchés possibles, Davide Lascar affiche une attente stratégique : « comprendre les enjeux et les besoins de ces acteurs pour nourrir leurs réflexions sur des sujets comme la décarbonation, tout en y contribuant activement. » 

Vasco, elle aussi, s’investit pleinement dans cette dynamique de groupe. « Pour un modèle aussi innovant et récent que [le nôtre], le soutien d’experts reconnus comme ceux du Do Tank Construction Durable est essentiel, souligne Hervé Degreve. Il nous apporte visibilité et crédibilité dans un écosystème qui peine parfois à accepter la nécessité d’innover radicalement pour répondre à la crise systémique du logement. » Cette dynamique a d’ores et déjà permis à l’entreprise de « nouer des liens solides avec des acteurs puissants, capables de nous aider à accélérer dans les années à venir. »